dimanche 5 juin 2011

Dominique Strauss-Kahn et ses femmes: un exemple à suivre ?

Depuis ce que Mme Aubry a appelé un 'coup de tonnerre' on aura entendu tout et n'importe quoi au sujet de cette affaire, depuis les partisans de la théorie du complot jusqu'aux féministes qui crient au loup. On connaissait le 'strange case of Dr Jekyll and Mr Hyde', existe-t-il le 'strange case' de DSK ? D'ailleurs 'case', comment le traduisez-vous de l'anglais ? Par une affaire au sens pénal du terme, ou bien par un cas au sens médical ?

On entend la presse se perdre en conjectures. Elle est affamée de n'avoir quasiment rien à se mettre sous la dent, habituée qu'elle est aux fuites de notre procédure d'instruction orchestrées par la défense ou la partie civile, voire par les magistrats soupçonne-t-on parfois. On nous a rabâché les différences entre notre procédure pénale inquisitoire et la procédure accusatoire en vogue aux Etats-Unis. Mais on oublie trop vite une conséquence médiatique majeure de la procédure américaine: les parties ont intérêt à rester coi jusqu'aux audiences, et à ne rien laisser filtrer à leurs adversaires de leur stratégie.

Néanmoins, néanmoins, on ne lit presque nulle part qu'une autre différence essentielle de nos systèmes pénaux tient au statut des magistrats du parquet. Le procureur et le juge d'instruction sont des fonctionnaires nommés chez nous, le district attorney est un homme politique élu à New-York. Élu sur la base d'un programme visant à faire respecter la loi, pour un mandat à durée déterminée, et renouvelable.

Dès lors on imagine mal un homme politique jeter en prison le directeur du FMI, personnalité politique de premier plan, sur de simples allégations au milieu d'une crise financière mondiale. Comment pourrait-il justifier d'une telle chose devant ses électeurs ? Que répondra-t-il à ses adversaires lors de la prochaine campagne si son dossier est vide ou presque ?

Par conséquent on peut raisonnablement penser que le district attorney juge disposer d'éléments solides pour avoir matière à procès, voire à condamnation, pour avoir fait mettre un homme politique international sous écrou. Cela permet de supposer fortement qu'il s'est vraiment passé quelque chose dans cette chambre d'hôtel, n'en déplaise aux tenants de la théorie du complot. Cela ne veut pas dire pour autant que Dominique Strauss-Kahn est coupable de conduite criminelle, mais un jury a considéré qu'il est légitime de poser la question. Il appartient à la justice d'y répondre.

On comprend donc les cris des féministes qui soutiennent qu'on ne s'intéresse pas au traumatisme que vit la plaignante. Nous avons coupé la tête de notre roi et mené une révolution sanglante pour que 'tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit'. Telles sont les dispositions du premier article de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, préambule de notre constitution, texte fondateur de nos règles de vie. Tous les hommes et les femmes sont libres, libres, libres de disposer de leur corps, de coucher avec qui ils souhaitent. Mais garantir cette liberté fondamentale à chacun nécessite de poser une limite: la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres. Chacun dispose de son corps et peut avoir des relations avec qui il souhaite, dans la mesure où l'autre conserve cette même liberté et où lui aussi a des relations avec qui il souhaite. Autrement dit on peut avoir des relations avec qui l'on souhaite, dans la mesure où ce souhait est réciproque. Dans l'hypothèse où quelqu'un ne respecterait pas la liberté de l'autre, où le souhait ne serait pas réciproque, nos règles protègent cette liberté de disposer de son corps par la sanction la plus lourde de notre système pénal: la cour d'assises et une peine de prison de plus de 10 ans.

Évidemment on pense à la plaignante. Qu'elle ait tort ou raison, nous souhaitons qu'elle se remette de ces évènements et puisse recommencer à vivre sereinement. Et si ses accusations sont fondées nous répondons tous que son agresseur a transgressé la plus fondamentale de nos règles de vie en commun, et encourt une peine parmi les plus lourdes.

Mais quelque chose reste frappant dans cette affaire, quelque chose que l'on entend peu: l'attitude de la famille de Dominique Strauss-Kahn, et au premier plan celle d'Anne Sinclair. Elle est mariée à un homme dont la réputation de coureur de jupons n'est plus à faire, accusé de viol et jeté en prison. Et comment réagit-elle ? Elle traverse l'Atlantique, vole à son secours et débloque en quelques jours plusieurs millions d'euros de sa fortune personnelle pour le faire libérer.

Voici une famille recomposée dont le comportement contraste avec de nombreuses situations qui nous entourent. Elle se montre unie dans l'adversité, à l'audience devant le juge et les caméras, malgré de terribles accusations sur la fidélité conjugale qui touche au coeur même des relations de couple et de famille. Fermons les yeux quelques instants, essayons de nous imaginer dans cette situation, et de répondre à ces quelques questions: si notre conjoint, qui a reconnu des infidélités par le passé, était accusé de viol et jeté en prison, comment réagirions-nous ? Si c'est nous qui étions accusés et jetés en prison, comment réagirait notre conjoint ? Que penserions-nous de notre père s'il était convaincu d'infidélité conjugale avec une femme de l'âge de sa fille, et pire accusé de viol ? Comment réagirions-nous à son encontre ? Comment réagiraient nos enfants si nous étions accusés de tels actes ? Comment réagirait notre fille d'un précédent mariage ? Seraient-ils présents à l'audience devant le juge pour nous soutenir du regard ? Sacrifieraient-ils une partie de la fortune familiale pour nous assurer la meilleure défense ?

Mais au-delà de ces questions de circonstances, qu'attendons-nous de notre conjoint ? Si l'on devait choisir entre la fidélité sexuelle, ou être associés pour la vie et se soutenir dans les pires moments, que considérons-nous comme le plus important des deux ? Si l'on sait ce que l'on attend de son conjoint, veillons-nous bien à lui apporter la réciproque en retour ?

Notre époque est marquée par l'explosion du nombre de familles monoparentales; elles restent trop souvent à la charge de la société après des séparations pour un oui ou un non. Parfois elles se recomposent en des fratries complexes où il est souvent difficile de rester serein. Face à ces situations devenues communes, on ne peut être que frappé par les réponses qu'apporte la famille Strauss-Kahn à toutes ces questions, qui plus est dans de si difficiles circonstances.

Dominique Strauss-Kahn, sa femme et sa fille: un exemple à suivre ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire